Les photographies exhumées des archives privées des colons européens (fin XIXe et XXe siècles) nous plongent dans un monde bien éloigné des allégories de conquêtes héroïques. Violences sur l’autre, assujetti, ces clichés nous parlent et nous interrogent sur deux regards qui se font face.
La petite Renée Bonnetain a une enfance hors du commun : ses parents explorent l’Afrique ! Son père, Paul, naturaliste, est en mission officielle. Sa mère Raymonde, est la première française à atteindre les rives du Niger. C’était en 1893. D’une telle enfance, il faut garder des souvenirs, des photographies. Vers 1894-1895, un cliché montre la jeune Renée avec une belle robe claire et son grand chapeau pour la protéger du soleil. Elle est assise dans un jardin. Derrières elle, quelques arbres d’ornement et au loin le toit d’une jolie demeure. Renée Bonnetain est souriante ; elle pose pour la photo. Autour d’elles, douze crânes, eux aussi bien blancs, ceux de soldats, de guerriers africains révoltés contre l’envahisseur. Des hommes tués et dont les crânes séparés de la chair servent de trophée. Ah non, il y a treize crânes sur la photographie : douze sont posés par terre et le treizième se trouve, tout simplement, entre les mains de la jeune fille, souriante.
Ce matin nous sommes en compagnie de Daniel Foliard,maître de conférences en civilisation britannique à l’Université Paris Nanterre. Il travaille sur la façon dont l’image, cartographique ou photographique, a accompagné l’expansion de l’influence européenne au XIXe siècle et au début du XXe siècle.
Il a publié un premier livre sur les liens entre la cartographie britannique et l’invention du Moyen-Orient : Dislocating the Orient : British Maps and the Making of the Middle East, 1854-1921, Chicago University Press, 2017. Il publie Combattre, Punir, Photographier. Empires coloniaux, 1890-1914, aux éditions de La Découverte (2020).