Depuis 2018 aux Etats-Unis, des grèves des employés pour réclamer de meilleurs salaires à la création de syndicats chez les géants de la Tech en passant par le phénomène de la “Grande démission”, la colère sociale est sans précédent créant de fait un nouveau rapport de force avec les employeurs.
- Donna Kesselman professeure à l’université Paris Est-Créteil, sociologue du travail, spécialiste des droits sociaux aux États-Unis.
- Jean-Christian Vinel Professeur et maître de conférences en histoire des Etats-Unis à l’université Paris Cité
- Marie Adèle Ménard Doctorante en sociologie et en civilisation américaine à l’université de Créteil et au CNAM
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Tout a commencé autour d’un percolateur et de gobelets en papier. Nous sommes en 2021 dans un café Starbucks de l’Etat de New-York. Les salariés qui s’estiment malmenés, mal payés, mal protégés contre le Covid, décident de créer un syndicat. La procédure aboutit à un vote, après plusieurs semaines. Pari réussi. D’autres cafés vont prendre le pas malgré les efforts déployés par la direction de Starbucks pour les en dissuader. Peine perdue donc… Le Wall Street Journal titre alors « Nouveaux rapports de force dans le monde du travail ». Starbucks mais aussi Amazon, Apple, la distribution, la restauration rapide, les magasins de matériel sportif, une compagnie aérienne : la syndicalisation gagne petit à petit les services, au-delà de l’industrie qui est son bastion plus traditionnel. Mais les ouvriers ne sont pas en reste : ils organisaient l’année dernière de gigantesques piquets de grève, encouragés par les nouveaux équilibres du marché du travail et une situation de pénurie de main-d’œuvre dans plusieurs usines après la pandémie. C’est aussi cette nouvelle donne qui enhardit 48 millions d’Américains, et leur donne des ailes vers la sortie. La « grande démission », le Big quit, semble continuer à ce jour.
Faut-il aller jusqu’à conclure à une inversion du rapport de force entre travailleurs et patrons américains ? Ou les Etats-Unis sont-ils moins libéraux qu’il n’y paraît en matière de droits du travail ?
Pour répondre à ces questions, Julie Gacon reçoit Donna Kesselman, professeure à l’université de Paris-Est Créteil et Jean-Christian Vinel, professeur et maître de conférences en histoire des Etats-Unis à l’université Paris Cité.
“Il ne faut jamais sous-estimer les obstacles à la syndicalisation aux Etats-Unis”, commence Donna Kesselman.
“Il y a tout un travail de surveillance, on pourrait même dire d’espionnage, mené par Amazon mais aussi par un grand nombre d’entreprises, pour détecter très tôt dans un mouvement les premiers signes d’une logique collective et s’y opposer“, note Jean-Christian Vinel.
Pour aller plus loin :
Donna Kesselman est l’autrice de l’article intitulé Le retour en grâce du syndicalisme américain publié sur le média AOC le 6 septembre 2022.
Jean-Christian Vinel est l’auteur de La grève en exil ? – Syndicalisme et démocratie aux Etats-Unis et en Europe de l’Ouest (XIXe-XXIe siècles) paru aux éditions Arbre bleu en 2014.