Liliane Giraudon. Fragments polyphoniques
Colloque International, 13-14 juin 2024
The University of Chicago Center in Paris (Rue Thomas Mann, 75013)
Universités partenaires: Université Paris Cité (UMR LARCA), CY Cergy Paris Université (UMR Héritages)
Rares sont les œuvres qui se sont essayées à tant de pratiques et de genres que celle de Liliane Giraudon. Poétesse, pour reprendre le terme qu’elle remet en circulation, elle publie Têtes ravagées en 1978, et rejoint en 1982 la collection puis les éditions P.O.L, où a paru l’essentiel de son œuvre, soit une vingtaine d’ouvrages. Mais Liliane Giraudon s’est aussi tournée vers la nouvelle, le dessin, la performance et le théâtre, avant de revenir au poème ces dernières années avec une Polyphonie Penthésilée (2021) qui fait résonner les aventures de son autrice. Ce colloque témoigne d’un regain d’attention à l’égard de la poète et veut faire reconnaître l’importance de celle-ci dans le champ contemporain.
Liliane Giraudon fait partie du petit groupe de femmes poètes ayant émergé dans les années 1970, dans un champ majoritairement masculin. Coordinatrice d’un numéro sur les trobairitz pour Action Poétique (1978), puis co-éditrice de l’anthologie Poésies en France depuis 1960 – 29 Femmes (1994), elle a toujours exploré les marges laissées aux femmes, tant dans la société que dans l’écriture. Le parcours qu’elle retrace, depuis l’éducation dispensée par les sœurs trinitaires d’Avignon, puis au lycée de jeunes filles de Carpentras, jusqu’à son enseignement dans les quartiers Nord de Marseille, la pousse à s’intéresser à celleux que la société invisibilise.
Cette volonté de partage a mené Liliane Giraudon à devenir une des “revuistes” les plus actives et inventives de ces quarante dernières années. D’abord membre du comité d’Action poétique, elle crée en 1980 avec Jean-Jacques Viton la revue Banana Split, dont le fonctionnement inspiré de l’autonomie et du do-it-yourself des revues américaines entendait faire contrepoids, depuis Marseille, aux institutions parisiennes. Giraudon a aussi participé à de nombreux projets collectifs, marqués par une volonté d’explorer la porosité des genres littéraires. De la performance poétique (Quatuor Manicle) aux livres collectifs (Marquise vos beaux yeux, 2005), en passant par l’écriture pour le théâtre et les expositions mêlant texte et dessin, son œuvre n’a cessé de se déplacer et de réinventer ses moyens d’expression. Malgré ce constant déplacement, l’œuvre de Giraudon paraît soutenue par une tension entre continu et discontinu, fragmentation et reprise polyphonique. La décomposition des discours, la reconstitution des corps, le rapiècement de carnets d’écriture sont des motifs qu’elle a poursuivis dans toute son œuvre, à travers tous les arts.
L’ambition de ce colloque international, le premier consacré aux travaux de Liliane Giraudon, est d’explorer la diversité de son œuvre, son interdisciplinarité mais aussi sa cohérence ; et de comprendre ce qui fait sa force, son importance dans le paysage contemporain. La première journée du colloque sera suivie d’une lecture par la poète.
Le collectif et la scène poétique
Le Quatuor Manicle, collectif international de performance, et le livre à huit mains Marquise vos beaux yeux font partie des nombreux projets collectifs de Liliane Giraudon. Elle a collaboré à Action Poétique, puis co-créé Banana Split (1980-1990), avant d’animer les revues If (1992-2012) puis La gazette des jockets camouflés (2013). Dans ces revues, elle a œuvré à la traduction et la réception de poètes étranger·ères, et notamment américain·es. Ces dernières années, elle s’est tournée vers l’espace de la galerie, avec plusieurs expositions collectives où elle rejoue son concept d’« écriredessiner », dans une perspective collaborative et interdisciplinaire.
Le Quatuor Manicle, collectif international de performance, et le livre à huit mains Marquise vos beaux yeux font partie des nombreux projets collectifs de Liliane Giraudon. Elle a collaboré à Action Poétique, puis co-créé Banana Split (1980-1990), avant d’animer les revues If (1992-2012) puis La gazette des jockets camouflés (2013). Dans ces revues, elle a œuvré à la traduction et la réception de poètes étranger·ères, et notamment américain·es. Ces dernières années, elle s’est tournée vers l’espace de la galerie, avec plusieurs expositions collectives où elle rejoue son concept d’« écriredessiner », dans une perspective collaborative et interdisciplinaire.
L’hybridation des genres littéraires : du carnet au théâtre
Des « chroniques » aux « morceaux de carnets », du « dramolette » au carnet de voyage, du dialogue de théâtre à l’ « homobiographie », Liliane Giraudon s’est risquée dans tous les genres et en a inventé de nouveaux. Cette hybridité est au cœur de sa poétique. On pourra en interroger les enjeux, et la diversité générique de l’oeuvre.
Des « chroniques » aux « morceaux de carnets », du « dramolette » au carnet de voyage, du dialogue de théâtre à l’ « homobiographie », Liliane Giraudon s’est risquée dans tous les genres et en a inventé de nouveaux. Cette hybridité est au cœur de sa poétique. On pourra en interroger les enjeux, et la diversité générique de l’oeuvre.
Le corps et la sexualité
Dès ses premiers livres, Giraudon expose ses lecteurs à des corps mutilés, médicalisés, laissés en déshérence. Le cancer du sein, le viol, l’avortement, sont des thématiques centrales de son œuvre, conçue comme « reconstruction d’un corps démembré par la vie sociale » (Sker). Les questions de genre et de sexualité parcourent l’œuvre, à travers les figures des « pénétrables », et surtout de l’Amazone, récurrente dans ses livres.
Dès ses premiers livres, Giraudon expose ses lecteurs à des corps mutilés, médicalisés, laissés en déshérence. Le cancer du sein, le viol, l’avortement, sont des thématiques centrales de son œuvre, conçue comme « reconstruction d’un corps démembré par la vie sociale » (Sker). Les questions de genre et de sexualité parcourent l’œuvre, à travers les figures des « pénétrables », et surtout de l’Amazone, récurrente dans ses livres.
Fragments et montages
L’écriture de Liliane Giraudon tente peut-être moins de réconcilier les expériences et les discours que d’explorer « ce qui n’est pas visible mais présent entre les fragments. Dans l’entre-fragments. » (Sker). Depuis ses premiers livres, elle n’a cessé de récupérer des morceaux de paroles, des histoires à moitié racontées, et des notes éparpillées dans des carnets. La pratique du montage sous-tend son œuvre, des performances à plusieurs voix aux échanges entre dessin et écriture.
L’écriture de Liliane Giraudon tente peut-être moins de réconcilier les expériences et les discours que d’explorer « ce qui n’est pas visible mais présent entre les fragments. Dans l’entre-fragments. » (Sker). Depuis ses premiers livres, elle n’a cessé de récupérer des morceaux de paroles, des histoires à moitié racontées, et des notes éparpillées dans des carnets. La pratique du montage sous-tend son œuvre, des performances à plusieurs voix aux échanges entre dessin et écriture.
Marginalia et « mauvais goût »
Des milieux paysans à la banlieue, des couvertures fluos de Banana Split aux histoires macabres de Pallaksch Pallaksch, Liliane Giraudon s’est toujours senti attirée par ce qui choque la bienséance, par le mauvais goût et le trivial. Son attention aux marges du social et à celles de l’écriture peut être rapprochée des « submarginalia » de Susan Howe (The Birth-Mark) : Liliane Giraudon, comme Emily Dickinson, se refuse à exclure celles-ci de son regard et de ses livres. C’est l’une des façons de lire la politique de sa poésie, et son engagement féministe.
Des milieux paysans à la banlieue, des couvertures fluos de Banana Split aux histoires macabres de Pallaksch Pallaksch, Liliane Giraudon s’est toujours senti attirée par ce qui choque la bienséance, par le mauvais goût et le trivial. Son attention aux marges du social et à celles de l’écriture peut être rapprochée des « submarginalia » de Susan Howe (The Birth-Mark) : Liliane Giraudon, comme Emily Dickinson, se refuse à exclure celles-ci de son regard et de ses livres. C’est l’une des façons de lire la politique de sa poésie, et son engagement féministe.
Liliane Giraudon. Fragments polyphoniques
Colloque International, 13-14 juin 2024
The University of Chicago Center in Paris (Rue Thomas Mann, 75013)
Universités partenaires: Université Paris Cité (UMR LARCA), CY Cergy Paris Université (UMR Héritages)
Rares sont les œuvres qui se sont essayées à tant de pratiques et de genres que celle de Liliane Giraudon. Poétesse, pour reprendre le terme qu’elle remet en circulation, elle publie Têtes ravagées en 1978, et rejoint en 1982 la collection puis les éditions P.O.L, où a paru l’essentiel de son œuvre, soit une vingtaine d’ouvrages. Mais Liliane Giraudon s’est aussi tournée vers la nouvelle, le dessin, la performance et le théâtre, avant de revenir au poème ces dernières années avec une Polyphonie Penthésilée (2021) qui fait résonner les aventures de son autrice. Ce colloque témoigne d’un regain d’attention à l’égard de la poète et veut faire reconnaître l’importance de celle-ci dans le champ contemporain.
Liliane Giraudon fait partie du petit groupe de femmes poètes ayant émergé dans les années 1970, dans un champ majoritairement masculin. Coordinatrice d’un numéro sur les trobairitz pour Action Poétique (1978), puis co-éditrice de l’anthologie Poésies en France depuis 1960 – 29 Femmes (1994), elle a toujours exploré les marges laissées aux femmes, tant dans la société que dans l’écriture. Le parcours qu’elle retrace, depuis l’éducation dispensée par les sœurs trinitaires d’Avignon, puis au lycée de jeunes filles de Carpentras, jusqu’à son enseignement dans les quartiers Nord de Marseille, la pousse à s’intéresser à celleux que la société invisibilise.
Cette volonté de partage a mené Liliane Giraudon à devenir une des “revuistes” les plus actives et inventives de ces quarante dernières années. D’abord membre du comité d’Action poétique, elle crée en 1980 avec Jean-Jacques Viton la revue Banana Split, dont le fonctionnement inspiré de l’autonomie et du do-it-yourself des revues américaines entendait faire contrepoids, depuis Marseille, aux institutions parisiennes. Giraudon a aussi participé à de nombreux projets collectifs, marqués par une volonté d’explorer la porosité des genres littéraires. De la performance poétique (Quatuor Manicle) aux livres collectifs (Marquise vos beaux yeux, 2005), en passant par l’écriture pour le théâtre et les expositions mêlant texte et dessin, son œuvre n’a cessé de se déplacer et de réinventer ses moyens d’expression. Malgré ce constant déplacement, l’œuvre de Giraudon paraît soutenue par une tension entre continu et discontinu, fragmentation et reprise polyphonique. La décomposition des discours, la reconstitution des corps, le rapiècement de carnets d’écriture sont des motifs qu’elle a poursuivis dans toute son œuvre, à travers tous les arts.
L’ambition de ce colloque international, le premier consacré aux travaux de Liliane Giraudon, est d’explorer la diversité de son œuvre, son interdisciplinarité mais aussi sa cohérence ; et de comprendre ce qui fait sa force, son importance dans le paysage contemporain. La première journée du colloque sera suivie d’une lecture par la poète.
Le collectif et la scène poétique
Le Quatuor Manicle, collectif international de performance, et le livre à huit mains Marquise vos beaux yeux font partie des nombreux projets collectifs de Liliane Giraudon. Elle a collaboré à Action Poétique, puis co-créé Banana Split (1980-1990), avant d’animer les revues If (1992-2012) puis La gazette des jockets camouflés (2013). Dans ces revues, elle a œuvré à la traduction et la réception de poètes étranger·ères, et notamment américain·es. Ces dernières années, elle s’est tournée vers l’espace de la galerie, avec plusieurs expositions collectives où elle rejoue son concept d’« écriredessiner », dans une perspective collaborative et interdisciplinaire.
Le Quatuor Manicle, collectif international de performance, et le livre à huit mains Marquise vos beaux yeux font partie des nombreux projets collectifs de Liliane Giraudon. Elle a collaboré à Action Poétique, puis co-créé Banana Split (1980-1990), avant d’animer les revues If (1992-2012) puis La gazette des jockets camouflés (2013). Dans ces revues, elle a œuvré à la traduction et la réception de poètes étranger·ères, et notamment américain·es. Ces dernières années, elle s’est tournée vers l’espace de la galerie, avec plusieurs expositions collectives où elle rejoue son concept d’« écriredessiner », dans une perspective collaborative et interdisciplinaire.
L’hybridation des genres littéraires : du carnet au théâtre
Des « chroniques » aux « morceaux de carnets », du « dramolette » au carnet de voyage, du dialogue de théâtre à l’ « homobiographie », Liliane Giraudon s’est risquée dans tous les genres et en a inventé de nouveaux. Cette hybridité est au cœur de sa poétique. On pourra en interroger les enjeux, et la diversité générique de l’oeuvre.
Des « chroniques » aux « morceaux de carnets », du « dramolette » au carnet de voyage, du dialogue de théâtre à l’ « homobiographie », Liliane Giraudon s’est risquée dans tous les genres et en a inventé de nouveaux. Cette hybridité est au cœur de sa poétique. On pourra en interroger les enjeux, et la diversité générique de l’oeuvre.
Le corps et la sexualité
Dès ses premiers livres, Giraudon expose ses lecteurs à des corps mutilés, médicalisés, laissés en déshérence. Le cancer du sein, le viol, l’avortement, sont des thématiques centrales de son œuvre, conçue comme « reconstruction d’un corps démembré par la vie sociale » (Sker). Les questions de genre et de sexualité parcourent l’œuvre, à travers les figures des « pénétrables », et surtout de l’Amazone, récurrente dans ses livres.
Dès ses premiers livres, Giraudon expose ses lecteurs à des corps mutilés, médicalisés, laissés en déshérence. Le cancer du sein, le viol, l’avortement, sont des thématiques centrales de son œuvre, conçue comme « reconstruction d’un corps démembré par la vie sociale » (Sker). Les questions de genre et de sexualité parcourent l’œuvre, à travers les figures des « pénétrables », et surtout de l’Amazone, récurrente dans ses livres.
Fragments et montages
L’écriture de Liliane Giraudon tente peut-être moins de réconcilier les expériences et les discours que d’explorer « ce qui n’est pas visible mais présent entre les fragments. Dans l’entre-fragments. » (Sker). Depuis ses premiers livres, elle n’a cessé de récupérer des morceaux de paroles, des histoires à moitié racontées, et des notes éparpillées dans des carnets. La pratique du montage sous-tend son œuvre, des performances à plusieurs voix aux échanges entre dessin et écriture.
L’écriture de Liliane Giraudon tente peut-être moins de réconcilier les expériences et les discours que d’explorer « ce qui n’est pas visible mais présent entre les fragments. Dans l’entre-fragments. » (Sker). Depuis ses premiers livres, elle n’a cessé de récupérer des morceaux de paroles, des histoires à moitié racontées, et des notes éparpillées dans des carnets. La pratique du montage sous-tend son œuvre, des performances à plusieurs voix aux échanges entre dessin et écriture.
Marginalia et « mauvais goût »
Des milieux paysans à la banlieue, des couvertures fluos de Banana Split aux histoires macabres de Pallaksch Pallaksch, Liliane Giraudon s’est toujours senti attirée par ce qui choque la bienséance, par le mauvais goût et le trivial. Son attention aux marges du social et à celles de l’écriture peut être rapprochée des « submarginalia » de Susan Howe (The Birth-Mark) : Liliane Giraudon, comme Emily Dickinson, se refuse à exclure celles-ci de son regard et de ses livres. C’est l’une des façons de lire la politique de sa poésie, et son engagement féministe.
Des milieux paysans à la banlieue, des couvertures fluos de Banana Split aux histoires macabres de Pallaksch Pallaksch, Liliane Giraudon s’est toujours senti attirée par ce qui choque la bienséance, par le mauvais goût et le trivial. Son attention aux marges du social et à celles de l’écriture peut être rapprochée des « submarginalia » de Susan Howe (The Birth-Mark) : Liliane Giraudon, comme Emily Dickinson, se refuse à exclure celles-ci de son regard et de ses livres. C’est l’une des façons de lire la politique de sa poésie, et son engagement féministe.