Appel à Communications : The New Face(s) of US Conservatism

Publié le 29 mai 2024

The New Face(s) of US Conservatism

 

Université Lumière Lyon 2

Mardi 15 octobre 2024

Comité d’organisation : Maxime Dafaure (Université Gustave Eiffel, LISAA), Pierre Mourier (Université Lumière Lyon 2, TRIANGLE) et Gabriel Solans (Université Paris Cité, LARCA)

 

Depuis 2016, Donald Trump a rebattu les cartes de la politique et du conservatisme étasunien. Cette journée d’étude témoigne de la volonté de faire exister le conservatisme en tant qu’objet d’analyse, dans la continuité des ouvrages Les conservateurs américains se mobilisent : l’autre culture contestataire (dir. Huret, 2008) et Réactions en chaîne : les Républicains de Dwight D. Eisenhower à George W. Bush (1952-2008) (dir. Mason, Meyer et Vergniolle de Chantal, 2015), et s’inscrit dans un double objectif : prolonger d’une part le travail existant ayant pour objet le conservatisme aux États-Unis au sein du champ plus global de la civilisation américaine, et proposer d’autre part un état des lieux du conservatisme étasunien à la veille des élections présidentielles de 2024. Pour ce faire, cette journée d’étude se décline en trois axes connexes qui soulignent son approche interdisciplinaire et la pluralité des perspectives qu’elle entend adopter afin de mieux cerner ce mouvement ainsi que les idéologies et stratégies qui le sous-tendent.

 

Axe 1 : La mue du Parti républicain

 

La polarisation extrême de la vie politique américaine, à savoir l’homogénéisation idéologique des deux partis et leur divergence doctrinale grandissante, a fait l’objet de vifs débats au début du XXIème siècle, notamment entre Morris Fiorina (2005) et Alan Abramowitz (2011). Elle est plus que jamais sur le devant de la scène depuis l’arrivée de Donald Trump au pouvoir en 2017. Son comportement partisan, ses propos clivants et agressifs face à l’adversaire constituent une accélération majeure de la polarisation du paysage politique américain. Cette polarisation a maintenant une histoire bien définie : elle remonte aux tensions des années 60 et s’est confirmée dans les années 90, avec la « révolution républicaine » de 1994, quand le Parti républicain devint majoritaire au Congrès après 40 ans de majorité démocrate quasi ininterrompue. Les effets délétères de cette polarisation sur les institutions ont été largement commentés. The Broken Branch (2006) et It’s Even Worse Than It Looks (2012), ouvrages de Thomas E. Mann et Norman Ornstein, deux vétérans de l’analyse politique, en dressent un bilan implacable : fin de tout consensus bipartisan, blocage systématique au Congrès, montée des extrêmes dans les primaires, ton du débat public de plus en plus agressif et personnalisé notamment.

Cette transformation fait l’objet d’un vaste débat outre-Atlantique plus que jamais en cours et a amené à en chercher les causes profondes. L’analyse des causes de cette évolution oppose, schématiquement, les tenants d’une polarisation limitée aux élites politiques à ceux qui en trouvent des traces aussi dans l’opinion publique. De natures diverses, les explications mobilisées sont raciales, culturelles, mais également électorales : elles sont attribuées d’abord au basculement électoral des années 60 qui a vu les Blancs du Sud quitter le Parti démocrate pour rejoindre les rangs républicains du fait du ressentiment contre l’accession des Africains-Américains aux droits civiques ; mais d’autres causes sont elles aussi décisives. Il apparaît que la montée des inégalités aux États-Unis agit tout au long du XXème siècle et a une influence certaine sur les priorités législatives des élus conservateurs (McCarthy, Poole et Rosenthal, 2006). L’essor de la droite religieuse dans les années 80, la révolution opérée par Newt Gingrich au sein du Parti républicain du Congrès, le Tea Party furent autant d’étapes qui, imbriquées les unes dans les autres, aboutirent au Parti républicain actuel et à l’adoption du populisme comme stratégie politique.

 

Pour réfléchir à ces enjeux, les propositions de communications pourront s’articuler autour des thématiques suivantes (la liste est bien entendu non-exhaustive) :

  • Compréhension nouvelle du mécanisme de polarisation (transformation institutionnelle du Congrès, redécoupage des circonscriptions, etc.) et de stratégies populistes (illustrées notamment par des figures telles que George Wallace, Newt Gingrich, ou Sarah Palin)
  • Apports neufs sur un jalon important de la polarisation du Parti républicain (rejet des civil rights, blocages du Congrès, Tea Party, etc.)
  • Les médias comme arme politique, des années 1960 aux années 1990

 

Bibliographie indicative :

  • Abramowitz, Alan. The Disappearing Center: Engaged Citizens, Polarization, and American Democracy. New Haven: Yale University Press, 2011.
  • Black, Earl et Merle Black. The Rise of Southern Republicans. Cambridge, MA: Harvard University Press, 2002
  • Fiorina Morris. Culture War? The Myth of a Polarized America. Pearson, 2005.
  • Mann, Thomas et Norman Ornstein. The Broken Branch: How Congress Is Failing America and How to Get It Back on Track. Oxford: Oxford University Press, 2006.
  • Mann, Thomas et Norman Ornstein. It’s Even Worse Than It Looks: How the American Constitutional System Collided With the New Politics of Extremism. New York: Basic Books, 2012.
  • McCarthy, Nolan, Keith T. Poole et Howard Rosenthal. Polarized America: The Dance of Ideology and Unequal Riches. Cambridge : MIT Press, 2006.

 

Axe 2 : Nouveaux médias, nouvelles stratégies de communication

 

Les transformations contemporaines des médias conservateurs (presse écrite, radio, télévision, médias numériques) et les influences réciproques qu’entretiennent les évolutions médiatiques et politiques de la droite étasunienne depuis les années 1990 sont au cœur des réflexions soulevées par cet axe. Là où l’instrumentalisation de la chaîne C-SPAN par Newt Gingrich ainsi que les talkshows radiophoniques ou télévisés ont marqué la « révolution républicaine » de 1994, la campagne menée en 2016 par Donald Trump est symptomatique de tendances majeures qui continuent, huit ans plus tard, à exercer une profonde influence sur la communication du Parti républicain. On peut ainsi citer une utilisation massive des plateformes numériques et de leurs affordances, capacités d’action qu’elles permettent et les réactions qu’elles incitent (illustrée notamment par l’omniprésence du candidat sur Twitter, mais également par l’émergence de la nébuleuse alt-right). Il faut mettre ceci en relation avec la dimension spectaculaire de la communication trumpienne (particulièrement évidente lors des rassemblements du candidat) et l’exploitation des logiques d’indignation tapageuse et sensationnalistes caractéristiques de l’outrage industry (Berry & Sobieraj 2014), qui ont permis au candidat républicain de bénéficier de l’équivalent de cinq milliards de dollars de couverture médiatique au cours de la campagne (Francia 2018), malgré la mise en scène de son hostilité envers les organes de presse traditionnels.

De telles tendances sont-elles tributaires de Donald Trump et de son mouvement MAGA, ou sont-elles en passe de s’inscrire durablement dans le paysage politique et dans les stratégies du GOP ? Quelle est la viabilité politique et électorale à long terme de ces stratégies ? Dans quelle mesure ces évolutions permettent-elles de rendre audibles des voix nouvelles ou dissidentes au sein du conservatisme étasunien ? De manière plus générale, comment les transformations technologiques et les évolutions de la médiation des discours peuvent-elles rebattre les cartes de la communication politique ?

 

Pour réfléchir à ces problématiques, les propositions de communications pourront s’articuler autour des thématiques suivantes (la liste est bien entendu non-exhaustive) :

  • Continuités et ruptures entre différents formats et médias (e.g. de la radio au podcast ou à la diffusion en direct sur internet) ainsi qu’entre les rhétoriques mobilisées (indignation, hyperbole, antagonisme exacerbé, etc.)
  • Reconfigurations du paysage médiatique conservateur, avec par exemple la remise en question de l’hégémonie de Fox News par des chaînes telles que Newsmax ou One America News Network, qui illustre les dissensions idéologiques au sein du Parti républicain
  • Instrumentalisation des médias, notamment des plateformes numériques, par des personnalités publiques ou anonymes
  • Études de cas ciblées de personnes ou groupes et de leurs pratiques communicationnelles

 

Bibliographie indicative :

  • Benkler, Yochai, Robert Faris et Hal Roberts. Network Propaganda: Manipulation, Disinformation, and Radicalization in American Politics. Oxford University Press, 2018.
  • Berry, Jeffrey M. et Sarah Sobieraj. The Outrage Industry: Political Opinion Media and the New Incivility. Oxford University Press, 2014.
  • Francia, Peter L. « Free Media and Twitter in the 2016 Presidential Election: The Unconventional Campaign of Donald Trump ». Social Science Computer Review4 (2018).
  • Hemmer, Nicole. Messengers of the Right: Conservative Media and the Transformation of American Politics. University of Pennsylvania Press, 2016.
  • Nadler, Anthony et A. J. Bauer (eds.). News on the Right: Studying Conservative News Cultures. Oxford University Press, 2019.

 

Axe 3 :  Le conservatisme au XXIème siècle : enjeux et perspectives du Parti républicain

 

Cet atelier propose d’analyser comment les premières mutations du Parti républicain du XXIème siècle, dans un cadre de recomposition des rapports sociaux aux États-Unis, l’amènent à se transformer. Le moment Trump est issu d’une lente évolution du parti initiée par la candidature de Pat Buchanan en 1992 et visant à s’emparer d’un parti chancelant. Ce moment Trump a été révélateur d’une ligne idéologique fracturée et d’un électorat nationalement polarisé. L’irruption du milliardaire républicain dans le camp conservateur a renversé les équilibres idéologiques jusqu’alors maintenus, les franges les plus droitières étant contenues à la lisière du parti, de l’émergence de l’alt-right en 2016 à l’apparition de la « droite tech » dans les années 2020. La double fragilisation dont souffre le Parti républicain est structurelle et idéologique. Le parti est fragilisé de manière structurelle car les rapports de forces internes ont évolué. La coalition républicaine n’est également plus la même. Les Américains blancs et pauvres sont maintenant la cible électorale principale des Républicains. Le GOP va à rebours du recul religieux aux États-Unis. Ainsi, il entre dans une croisade symbolique à travers des enjeux structurants tels que l’avortement. L’équilibre du parti est désormais défavorable aux modérés et cela influe à la fois sur les nominations mais également sur la plateforme électorale. La fragilisation du GOP est également idéologique. L’insurrection du 6 janvier 2021 en est la preuve. La ligne politique majoritaire au sein du parti est désormais illibérale.

Les primaires du Parti républicain ont révélé à la fois l’ampleur du changement et l’appropriation par les candidats de ce nouveau discours illibéral. Les équilibres entres les différentes tendances de Républicains ont évolué. Les néoconservateurs sont présents mais ne sont plus majoritaires tandis que l’on voit apparaitre des candidatures s’inspirant du « Trumpisme », tel Vivek Ramaswamy ou encore une figure du Freedom Caucus, Ron DeSantis. Celui-ci s’est positionné en défenseur du puritanisme américain face au « danger woke », incarnant la partie sociétale du contenu illibéral du parti. Celui-ci prétend également combattre le « Deep State », reprenant de manière moins subtile la stratégie d’appel de Trump vis-à-vis des partisans de QAnon. Ces nouvelles formes de militantisme politique, à la croisée des dynamiques de polarisation mais également d’illibéralisme, posent question. Sont-elles un symptôme ou une cause ? Quel que soit le résultat des élections de 2024, il apparait que le Parti républicain est en mue idéologique, stratégique et tactique. Cet atelier propose de mettre à jour les éléments saillants de cette mue républicaine.

 

Les propositions de communication pourront couvrir les champs suivants :

  • Mue idéologique : redéfinition du conservatisme, influence du paléoconservatisme, qu’est-ce que le trumpisme ? Quelle est l’influence des nationaux conservateurs ?
  • Mue stratégique : quels changements dans la composition des coalitions électorales, quel est l’état de la coalition conservatrice ? Quels sont les impacts de l’évolution démographique sur le Parti républicain ?
  • Mue tactique : Quelles tactiques ont été employées par les Républicains (Trump et les travailleurs blancs, DeSantis et le combat sociétal) ? Quelle porosité entre théories du complot et discours des élus Républicains ? Existe-t-il une dichotomie entre discours social et discours sociétal au sein des Républicains ?

 

Bibliographie indicative :

  • Abramowitz, Alan I. The Great Alignment: Race, Party Transformation, and the Rise of Donald Trump. New Haven (Conn.): Yale University Press, 2018.
  • Bloodworth, Jeffrey. “Trumpism’s Paleoconservative Roots and Dealignment.” Journal of Right-Wing Studies 1, no. 1 (July 4, 2023). https://doi.org/10.5070/RW3.1502.
  • Blum, Rachel Marie. How the Tea Party Captured the GOP: Insurgent Factions in American Politics. University of Chicago Press, 2020. https://doi.org/10.7208/chicago/9780226687667.001.0001.
  • James, Toby S. The Trump Administration: The President’s Legacy Within and Beyond America. 1st ed. London : Routledge, 2022.
  • Levitsky, Steven, et Daniel Ziblatt. Tyranny of the Minority: Why American Democracy Reached the Breaking Point. New York : Crown, 2023.
  • Main, Thomas J. The Rise of Illiberalism. Brookings Institution Press, 2021.

 

Les propositions de communication (500 mots, en français, anglais ou espagnol) sont à envoyer conjointement à Maxime Dafaure (), Pierre Mourier () et Gabriel Solans () avant le 15 juin, et recevront une réponse au plus tard le 15 juillet 2024. Une publication des actes de la journée d’étude est prévue.