Bénédicte Meillon, Maîtresse de Conférences à l’Université de Perpignan Via Domitia, en délégation au LARCA, soutiendra le 3 décembre 2021 une Habilitation à Diriger des Recherches, qui s’appuiera sur les travaux suivants: 

– Une monographie inédite en anglais, à paraître bientôt chez Rowman & Littlefield, intitulée Ecopoetics of Reenchantment: Liminal Realism and Poetic Echoes of the Earth (461 pages).

– Une synthèse en français des travaux de recherche menés depuis la thèse, soit de 2005 à 2021, intitulée Vers une écopoétique du réenchantement: réalisme liminal et chant du monde (158 pages).

– Un recueil rassemblant une sélection de ses publications depuis la thèse (21 chapitres, articles et essais, 421 pages) 

La soutenance aura lieu le 3 décembre à 14h00 à l’Université de Bordeaux-Montaigne et sera accessible par Zoom. Le lien pour se connecter sera affiché sur la page dédiée aux activités d’OIKOS quelques jours avant. Vous y trouverez également les résumés, détails pratiques et la composition du jury : https://ecopoetique.hypotheses.org/6878

 

Jury :

Mme la Professeure Angela Biancofiore (Université Paul Valéry-Montpellier 3),

Mme la Professeure Nathalie Cochoy (Université Toulouse Jean Jaurès),

M. le Professeur Yves-Charles Grandjeat (Parrain d’HDR, Université Bordeaux Montaigne),

Mme la Professeure Claire Omhovère (Université Paul Valéry-Montpellier 3),

M. le Professeur Jonathan Pollock (Université de Perpignan Via Domitia)

Mme la Professeure Frédérique Spill (Université de Picardie).

 

Résumé : Parce que la crise écologique est indissociable d’une crise de la perception, d’une crise des représentations et de la sensibilité, cette étude écopoétique met en lumière la façon dont une partie de la littérature contribue à réenchanter le monde. Portant majoritairement sur des analyses de textes en prose d’inspiration rurale, écoféministe, indigène et scientifique (Jean Giono, Linda Hogan, Barbara Kingsolver, Ann Pancake, Annie Proulx, Susan Power, Richard Powers, Ron Rash, Leslie Marmon Silko et Starhawk, pour la fiction, mais aussi David Abram, Rachel Carson, Annie Dillard, Robin Wall Kimmerer, Aldo Leopold ou Terry Tempest Williams pour leurs essais) cette monographie transdisciplinaire mobilise largement l’écopoétique et l’écopsychologie en même temps qu’elle propose des lectures éclairées par la pensée écoféministe, la philosophie et la phénoménologie, la linguistique, la biosémiotique, l’écologie, l’anthropologie, la biologie, l’éthologie, la neurobiologie et l’épistémologie. A l’heure où beaucoup d’entre nous habitons le monde dans un état partiellement anesthésié, il s’agit de révéler comment la littérature, en nous offrant des échos poétiques du vivant, nous réinitie au monde organique et terrestre qui n’a jamais cessé d’être animé et dont les vibrantes textures se diffusent dans la toile complexe de textes qui prolongent nos naturcultures. Avec quelques incursions dans les arts visuels et la danse, l’écopoïesis ici étudiée relie les fils du vivant à nos sentirs et nos langages. En outre, cette étude met au jour notre inconscient écologique, s’exprimant à travers certains des penchants écophobiques et biophiles qui sous-tendent notre rapport au vivant et demeurent æncrés dans nos langages.

Cette enquête situe et définit d’abord la notion d’une écopoétique du réenchantement, émergeant dans le sillon des nouveaux matérialismes. Elle se penche sur l’histoire des sciences et l’évolution de nos savoirs au cours d’une époque moderne marquée d’abord par le désenchantement, par un logocentrisme et une hypertrophie visuelle, puis par l’entrée dans une ère postmoderne impulsant différentes formes de réenchantement du monde qui s’avèrent compatibles avec la rationalité scientifique, l’intelligence du sensible et avec une réflexion écoféministe. Cette partie se penche notamment sur la résurgence des mille visages de Gaïa dans la littérature du corpus et sur les différents prismes par lesquels on peut élaborer une écopoét(h)ique gaïenne qui soit à la fois rationnelle, poétique et relevant d’une éthique et d’une spiritualité écologiques. Changeant de paradigmes, cette écopoétique du réenchantement relève d’une ontologie relationnelle.

La deuxième partie théorise l’existence d’un « réalisme liminal », sorte de réalisme magique à fonction initiatique, qui nous situe entre les mondes (notamment entre les mondes humains et autres qu’humains) en même temps qu’il nous invite à tresser des ontologies et des épistémologies longtemps tenues pour incompatibles. Opérant dans des univers caractérisés par une porosité entre les mondes et par des expériences extraordinaires, le réalisme liminal engage les lecteurs et lectrices dans des devenir-animal, devenir-végétal, et devenir-élémental. Profondément écopoétique et source de réenchantement, le réalisme liminal décuple nos potentialités, exalte notre habitation du monde et augmente ainsi notre Umwelt. Le réalisme liminal affûte notamment notre sensibilité aux paysages sonores, olfactifs et haptiques qui s’enchevêtrent dans la chair du monde. Il aiguise en outre notre perception des manières d’être au monde propres aux autres formes de vie avec lesquelles nous cohabitons et co-naissons.

Enfin, la troisième partie de la monographie ausculte le chant du monde par le prisme de l’écopoétique. S’appuyant sur des micro-analyses textuelles, l’étude démontre comment la littérature écopoétique nous réincorpore dans le tissu du vivant grâce à des procédés synesthésiques et stylistiques qui retissent les langages humains et ceux des autres terrestres. Cette littérature anamorphique, stéréoscopique et multisensorielle ravive notre perception appauvrie du vivant en lui redonnant son relief sensible. Enfin, la littérature écopoétique resserre les liens entre le monde vivant, l’imagination et les récits, qui participent ensemble d’un même devenir multispécifique et nous invite à retricoter la toile du vivant distendue par la Modernité. Apparaît ainsi le rôle fondamental de l’imagination écopoétique, qui, en la période trouble et incertaine qui est la nôtre, pourrait bien être l’une des clefs de voûte de la résilience de nos sociétés, de nos savoirs et de nos écosystèmes, résilience qui dépendra de notre capacité à co-évoluer au diapason de la terre.